Jours de Klee au Centre Pompidou
Paul Klee, Verkommenes Paar Couple mauvais genre, 1905. Peinture sous verre.
Zentrum Paul Klee, Berne.
—Exposition Paul Klee, l’ironie à l’œuvre - Centre Pompidou -
du 6 avril au 1er août 2016.
«Was bilder der Künstler?
Formen und Räume!
Wie bildet er sie?
In gewählten Proportionen...
o Satire,
o Satire,
du Leid der Intellektuellen.»
Paul Klee, 1905 (1)
Paul Klee, 1905 (1)
Après la très contestable rétrospective Paul Klee proposée en 2013-2014 par la Tate Modern (Paul Klee - Making Visible), Klee revient au Centre Pompidou sous des traits plus délicats, plus libres, plus réfléchis, moins confus, moins répétitifs, moins totalisants, loin de cette marche forcée vers l’ultime année 1940. L’artiste y revient sous le signe de la rareté et de la fragilité, conduites par une abondance aérée. Et de cette ironie que revendiquent le titre de l’exposition et sa commissaire Angela Lampe, en en faisant le fil conducteur, un parti pris ou une possible entrée dans l’œuvre, qui renvoie au premier romantisme allemand de Novalis et de Schlegel. D‘aucuns ou d’aucunes avaient retenu le théâtre – Paul Klee: le théâtre de la vie, Bozar, Bruxelles, 2008 – ou la musique – Klee et la musique, conçue par Ole Henrik Moc, en 1985, pour le Centre Pompidou; Paul Klee (1879-1940)-Polyphonies, proposée par Marcella Lista, en 2011, au musée de la Musique, à Paris – ou encore les voyages, celui, notamment, si décisif pour l’artiste en avril 1914, en Tunisie — Paul Klee, August Macke, Louis Moilliet: le voyage en Tunisie, au Zentrum Paul Klee, à Berne, en 2014.
L’ironie (romantique) tient donc ici ce fil conducteur qui dit beaucoup et peu à la fois, le visiteur s’évadant rapidement du thème, le délaissant pour en être subrepticement ressaisir dans les surprises et les bifurcations ménagées par une scénographie ouverte; un fil conducteur filant au travers de lignes droites modernistes qui n’en font qu’à leur tête. Il y a du jeu (d’enfant, théâtral), de la caricature, de la moquerie, de la parodie, du grotesque, de la satire chez Klee — quelque chose entre Goya et Honoré Daumier. Il y a de l’acuité, de l’aiguisé, de l’arête, de la coupure, de la coupe chez Klee. De la clairvoyance faite de mille signes. Du fragmentaire aussi figuratif qu’abstrait. Des formes morceaux, flottantes, autonomes. Des contraires — cette «incessante et autocréatrice alternance de pensées différentes ou opposées», écrivait Friedrich Schlegel. Comme il y a une ligne courbe, fluide, souple, ample, mouvante, autant sculpturale que dessinée, peut-être, et qui laisse toute liberté aux blancs d’être des formes, une respiration rêveuse autant qu’inquiète à l’espace vide sur une feuille scandée de traces-points ombrées. Certains des anges de Klee sont faits de cette ligne matière. Des lignes qui se mêlent d’un monde européen en déroute et d’une société allemande mise au pas par l’idéologie nazie, entrant dans de «sombres temps», disait Bertolt Brecht, en 1939, dans l’un de ses poèmes d’exil. Exil qui sera celui de Klee, dès 1933.
Schauspieler=Maske [Masque=comédien], 1924.
Huile sur toile sur carton cloué sur bois.
© 2016. Digital Image, The Museum of Modern Art, New York/Scala, Florence.
Huile sur toile sur carton cloué sur bois.
© 2016. Digital Image, The Museum of Modern Art, New York/Scala, Florence.
(1) Paul Klee, Poesie, a cura di Giorgio Manacorda. Traduzione di Ursula Bavaj e Giorgio Manacorda, «Carte d'artisti», Abscondita srl, 2000, Milano (Italia) - «Cosa fa l’artista? / Crea forme e spazi! / Ma come li crea? / Scegliendo proporzioni... / oh satira, / pena degli intellettuali.» - «Que fait l’artiste? / Des formes et des espaces! / Comment les crée-t-il? / En choisissant des proportions... ô satire, / Souffrance des intellectuels.» (traduction MM).
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