Giacomo Leopardi, l'infinie bibliothèque d'un poète érudit: premier amour...

Recueil des fragments de Sappho, l'un des ouvrages de la bibliothèque Leopardi,
classés dans la section des «Interdits».
Première édition: Jean-Jacques Rousseau, «Les Rêveries du promeneur solitaire».
           C'est une exposition de circonstance, qui va de soi, car venant sans prétention agrémenter et parachever la traditionnelle visite guidée de la bibliothèque de Monaldo Leopardi, père du poète né à Recanati, dans la région des Marches (zone défensive des États pontificaux), le 29 juin 1798, et seule partie de la Casa Leopardi accessible aux visiteurs touristes. Une exposition commémorative, également, pour marquer le bicentenaire de l'ouverture au public de celle-ci, en 1812. Volonté de Monaldo dont la personnalité complexe domine les choix, les achats et les classifications par genre de cette bibliothèque qui fut le lieu de formation, d'étude et de jeu des enfants Leopardi: Giacomo, Carlo et leur sœur Paolina.
     «Giacomo Dei Libri (La biblioteca Leopardi come spazio delle idee) – ouverte le 1er juillet dernier, et cela jusqu'au 31 décembre 2013) dessine donc par une sélection d'ouvrages très orientée autour de la prégnance des idées des Lumières, une sorte de «bibliothèque idéale» d'un noble hobereau de la fin du XVIIIe siècle et des débuts révolutionnaires du XIXe siècle, et distille les repères livresques de l'éducation intellectuelle et philosophique du jeune Giacomo.

Dans le parcours de l'exposition, entre les «Méditations métaphysiques» de Descartes
et «L'Esprit des lois» de Montesquieu, ou encore l'«Encyclopédie» de Diderot et d'Alembert,
une édition des «Pensées» de Pascal...
Une éducation philosophique qui nourrira le maître ouvrage de Leopardi, le «Zibaldone».



Autre ouvrage inscrit dans la section des «interdits», «Specimena philosophia» (1644),
de René Descartes.
Si l'intérêt de cette exposition est de faire comprendre et de dresser – de façon sans doute succincte, mais suffisamment pédagogique – un «paysage» intellectuel, littéraire et philosophique, elle est aussi intéressante dans ses partis pris de monstration des livres. Exposer le livre. Qu'expose-t-on? Non seulement une sélection (nous l'avons déjà mentionné), mais un objet matériel. Et, donc, qu'en expose-t-on? La tranche, la couverture, la page de garde, rarement le texte, celui-ci restant caché au visiteur. Il y a là des raisons de préservation et de conservation des effets d'effacement de la lumière. Si l'exposition du livre interroge sa matérialité, sa qualité d'objet de lecture et de connaissance, son économie, son impression (encre, typographie, papier), son flux commercial,
elle met également en jeu ce couple si contemporain du visible/invisible. Une scénographie qui fonctionne sur une forme du livre structurée par la reliure: le pli.
Ainsi, le recueil des fragments poétiques de Sappho, épinglé sur la cimaise et dont on ne peut voir que le dos de cette couverture blanche crème, délicat objet visuel, mais dont le texte caché – tout en repointant l'interdit dont il fut frappé par l'Église catholique — savoure son propre secret, l'imaginaire d'une sensualité amoureuse lesbienne, d'une passion antique qui tremble en un chant plein de trouées. Et c'est le fragment statuaire d'un visage d'une douceur extrême qui vient comme dévoiler
ou suggérer le texte sapphique.




Exposition «Giacomo Dei Libri:
la biblioteca Leopardi
come spaziodelle idee»,
Casa Leopardi, Recanati (province
de Macerata, région Marches, Italie).
www.giacomoleopardi.it

                                                                      Photos: DR.


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