À Paul Verlaine, Avant (récit)
... 9 h 55...
... 18 h 17...
Une guerre était venue,
Érudite,
Savante,
Noms
nus,
Sur
la ligne des festins,
Le poème écoute,
Acte insomniaque,
Une guerre était venue,
Phrase
indéfectible des vertiges
Le poème se contracte
Psaume éreinté des langues de brumes
Silences
des ventres,
Une guerre était venue
Au seuil des temps cendrés
Au seuil du Verbe orgueilleux
Au seuil de ton corps besogneux,
Torsion du Verbe
De l’Autre côté,
Des éclipses barbares
Équinoxe
du Paysage
De l’Autre côté,
Dans les lignes
d’Inquiétude
Dans les lignes de
Rareté
Dans les lignes
d’Éviction
Paysage
rétracté dans le songe d’un Verbe cosmique
Paysages
Minéralités
liquides
Que
je tisse
Paysages
Récits
de grâce
Que
je ceins
Paysage
Courbe
du Verbe
Que
j’envie
Nostalgie du Verbe
Premier
Commencements
des informes
Innocent
provisoire
Friable
dans tes mains de patience,
Il te suffisait,
Il te suffisait de dire le Verbe,
il te suffisait de toucher le Verbe,
il te suffisait de toucher le Verbe,
Il te suffisait,
De
dire les asphaltes grisés les alphabets nomades les fleuves ennuyeux les rues
pauvres les eaux noueuses les jardins ivres. Il te suffisait de dissoudre les
horizons taciturnes les frontières accessoires. Aucune vitesse ne pétrifiait ton Verbe. Les temps que l’on
t’avait prédit comptés linéaires multiples graves circulaires disparus
semblables inconnus absents circonscrits désertiques blancs immenses étoilés
gorgés striés passagers se modelaient dans les géographies pigments des mots.
Temps du temps. Ce temps qui est ton droit. Ce temps qui est ta vulnérabilité
qui est ton impertinence,
Il
te suffisait d’étendre l’hospitalité du monde au matin consentant, toi, dont le
corps loquace, toi, dont le corps donné, toi, dont le corps généreux,
s’arrimait aux hasards fertiles, toi, corps, forme d’un pas, visitation de la
langue, solitaire,
Je te regarde
Ton
Œil se distrait
Le
Poème te veut
Palper le Verbe
Jusqu’aux
Cicatrices
de désir
Ouvrir
le Verbe
Jusqu’aux
Lignes
marbrées
Redire
le Verbe
Là,
Oser
le Verbe
Là,
Jusqu’aux
Paysages
évidés
Paysages
que je traque,
Encore,
Dans
un rêve hors de ton rêve,
Paysage
que je coule,
Dans
mon souffle arrêté,
Voix
que je ne suis pas
Voix
que je ne suis plus
Voix
que je ne saurai être
Voix
que je ne pourrai devenir
Il
te suffisait,
Il
te suffisait de répandre le mot, dans l’acte mouvant du paysage,
Dans
l’embrasure des collines nocturnes Dans les césures des ruelles rapides Dans les ruptures des impasses languides Tu vivais
Les nuits et les jours De ce dessin que tu t’étais tracé, là-bas, dans les
répétitions insolentes des instants, insistance des temps,
Verbe,
Étrange
exercice,
Auquel
tes mains s’étaient éduquées,
Je te nomme,
Ton
Écoute s’absente
Le
poème se répète
Étendre
le chant
Dans
les paysages d’extinction
Dans
les paysages trop emplis
Dans
les paysages reconduits
Paysage
Aux
sexes sans ma voix
Mon Verbe se déchire
Chant
énuclé
Qui
a perdu la langue de son présent
Mon Verbe
s’exclut
Je te somme,
Ta
Voix se vide, sans remords
Le
poème crie
Ton
Corps se sépare
Le
poème abdique, l’Infini s’élance
Fuis
le poème, offrande noire,
Fuis
le poème qui te ressemble,
Il
te suffisait,
Il te suffisait de suivre les lignes
simples les lignes tacites les lignes lacustres les lignes marines les lignes évasifs les lignes
d’estompe, cette ligne de l’écoute compulsive du monde. Tu vivais. De par les
jours et de par les nuits. Tu passais. Par la légèreté de ton empreinte de vent
de glace de pierre de désert, intimes à nous, survivants des immensités faillibles des chaos sans ombres des éternités abusées,
Il
te suffisait,
De suivre la cambrure du Verbe,
Il te suffisait,
De suivre le voile enveloppé du Paysage,
Il te suffisait,
De suivre la Ligne sauvage,
Il te suffisait,
De suivre la cambrure du Verbe,
Il te suffisait,
De suivre le voile enveloppé du Paysage,
Il te suffisait,
De suivre la Ligne sauvage,
Il te suffisait,
Toi,
corps effleurements des fins tenaces effleurements des terres d’humanité effleurement du rire du rêve, toi, corps, toujours avant la promesse,
avant l’enroulement de nos Noms furtifs,
Il
te suffisait,
Une guerre est venue,
Régulière,
Régulière,
À la surface
De nos peaux somnambules
Amoureuse,
Indélicatesse faite à nos corps
inviolables,
Le
Temps est mort
Outre-vivant
Dans
mes yeux d’Œdipe
Sans
cités,
Sans
royaumes,
Sans
foules,
Sans
passantes,
Les
Destinées se sont retirées
Péril
de toi,
Encore
Ta
Main se détourne
Le
poème se transmue
Déni
du Psaume
Cet
Éclat de Moindre
Que
tu as creusé dans ma Voix,
Lorsque
le Verbe mourra
Le
Paysage se taira
Et
ton Pas s’incline, caresse de l’espace
Et
le Psaume se retourne, claire violence,
Lignes
des comptes
Lignes
des notations
Lignes
des répétitions
Lignes
de la pierre jaune
Obstinée,
Une guerre est
venue
Sans distraction,
Sans images,
Pauvreté du Verbe
Pauvreté du Verbe
Immuables douleurs de nos partages,
Inconcevables douleurs de nos euphories,
Inconcevables douleurs de nos euphories,
Lignes
des pourpres orphelins
Lignes
des écorces mémoires
Des
rivières de jasmin,
Des
sommeils exemplaires,
Des souvenirs apatrides,
Des oublis lapidaires,
Des eaux de nacre,
Le psaume est l'hôte de ton présent,
Toi, corps bordé de déjà,
Sève posthume,
Pas éployé,
Ligne,
Des souvenirs apatrides,
Des oublis lapidaires,
Des eaux de nacre,
Le psaume est l'hôte de ton présent,
Toi, corps bordé de déjà,
Sève posthume,
Pas éployé,
Ligne,
Ligne
de l’émeraude
Don
du poète,
Ligne
du linceul partagé
Ligne,
Il te suffisait,
Metz le 26 janvier
2012 ; Bruxelles le 3 mars 2012 ; Londres le 10 mars 2012 ;
Anvers le 27 mai 2012 ; Metz le 2 juin 2012.
Anvers le 27 mai 2012 ; Metz le 2 juin 2012.
Marjorie micucci
In «Poèmes semblables», Erratum Press, 2012.
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